Chronique de Paul Blanqué

Ce sont ces fils blancs, amassés sur une armature de bambou, comme notre brave mère Denis étend ses draps livrés à l'air campagnard, qui attirèrent mon attention.

Si, déambulant dans les ruelles regorgeant de monde, vous êtres suffisamment attentifs, il vous sera certainement possible de découvrir, à l'abri d'une façade, une activité qui ne vous laissera pas indifférent. Je veux parler de la fabrication artisanale des pâtes. Pour ma part, ce sont ces fils blancs, amassés sur une armature de bambou où pendent des milliers de futures pâtes destinées aux " nouilles grillées " et à la traditionnelle "soupe de nouilles", qui attirèrent mon attention.

D'un geste sûr

Sur une planche adossée au mur séparant la courée de la rue, une femme pétrit la matière. Une femme au visage asiatique. Une femme au corps robuste des femmes de nos campagnes. Tout en chair. Solide. Et Dieu sait qu'il faut l'être pour pétrir ces énormes boules de pâte farinée. Rouler. Allonger. Reformer la boule. La matière subit. Docile. Les muscles charnus s'affairent. La pâte prend forme.
Lorsque le point de non-retour est atteint, minutieusement, la pâte est étalée, allongée, jusqu'à devenir un immense linceul uniforme.

Alors, au couteau, d'un geste sûr, précis, digne d'un grand chirurgien, l'homme confectionne ces longs fils blancs. La régularité de la coupe témoigne de la maîtrise ; du savoir de l'artisan. Lorsque ces longs cordeaux de pâte se multiplient, ces milliers de filaments réguliers et uniformes, sont étendus sur une armature de bambous. Comme notre brave mère Denis étend ses draps. Livrés à l'air campagnard. Attendant le moment propice pour rejoindre le panier du cuisinier.

Ventres affamés

Dans les échoppes ouvertes sur la rue, les cuistots préparent le repas du soir. La soupe de nouilles tout autant que les nouilles grillées ne sauraient faire attendre les ventres affamés. Alors, dans un ballet tout autant surprenant que spectaculaire au regard du curieux, ces longs fils pâteux sont farinés, fouettés, pour, d'un tour de mains expertes, virevolter dans les airs. Comme par magie, chacun des brins de pâte se sépare de l'autre. Le maître sourit.

Spécialité nationale

Cette spécialité est consommée chaque soir, par des centaines d'affamés assis sur une chaise, une caisse, ou le rebord d'un trottoir.

Pour quelques centimes d'Euros, vous goutterez au plaisir du condiment. Bouche, langue, palais, rien n'y résistera. C'est l'horreur pour qui ne supporte pas la rigueur du précieux condiment. Et côté " pincée ", on ne peut pas dire qu'ils soient avares ! Pourtant, je serais tenté de qualifier cette soupe de nouilles de spécialité nationale ; à l'égal du prestigieux canard laqué. Mais ce dernier n'est pas, loin sans faut, le plat traditionnel de la rue.

Paul Blanqué

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